Le désarmement nucléaire est une volonté politique visant à limiter et à réduire les arsenaux nucléaires. Notons que la lutte contre la prolifération était pendant la Guerre Froide une question centrale et représente encore aujourd'hui un enjeu majeur dans l'équilibre mondial.
Cette interrogation a notamment un effet conséquent sur la géopolitique, car deux visions s'affrontent clairement sur la scène mondiale: les partisans de l'arme nucléaire affirme qu'il représente un outil de dissuasion considérable (Pakistan et Inde), alors que pour les plus réticents ce dernier est un élément dangereux et déstabilisateur puisque l'arme nucléaire est souvent utilisé par des Etats pour faire du chantage (Corée, Iran).
Barack Obama lança en 2009, à Prague, son mot d'ordre: "un monde sans armes nucléaires" et remet par conséquent le désarmement nucléaire parmi les priorités internationales. De même que le 8 avril 2010, l'on assista à la signature du traité START II, entre Obama et le président russe, Medvedev, sur le désarmement nucléaire. Ce traité prévoit en effet la limitation à 1550 ogives, soit une réduction de 30% par rapport aux 2200 autorisés par le traité de Moscou, signé en 2002. Voici les principaux points du nouveau traité START:
- Réduction du nombre d'ogives nucléaires de 74% par rapport au traité START I, signé en 1991.
- Limitation à 800 du nombre de missiles intercontinentaux, à bord de sous-marins et de bombardiers.
- Vérification sur place des installations nucléaires et échanges des données entre les deux puissances.
- Traité d'une durée de cinq ans, avec possibilité de prolongation pour cinq ans de plus.
Pourtant, malgré une telle avancée nécessaire dans le cadre de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massives et du progrès du désarmement, nous devons tout de même nous interroger sur l'efficacité d'une telle initiative. En effet, cela permettra t-il aux puissances occidentales de persuader l'Inde, le Pakistan, et Israël à adhérer au Traité de Non-Prolifération (TNP), visant à une réduction effective des arsenaux existants?
La signature de START a t-il réellement valeur d'exemple et ne représente t-il pas un risque pour la stabilité mondiale, car des petits pays pourront dès lors entreprendre à leur tour leur programmes nucléaires (Corée du Sud, Taïwan, Egypte, Arabie Saoudite)? Et enfin, existe t-il actuellement des moyens de contrôle et de transparence efficaces sur la production des matières fissiles militaires?
Établissons tout d'abord un état rapide des lieux:
Etats dotés de l'arme nucléaire (EDAN):
- Etats-Unis
- Russie
- Royaume-Uni
- France
- Chine
Les nouveaux Etats nucléaires
- Inde
- Pakistan
-Israël
Pays ayant développé des programmes nucléaires ou susceptibles de le faire:
- Corée du Nord
- Iran
Notons également que les motivations des proliférateurs sont nombreuses. Certains Etats manifestent par exemple une volonté d'affirmer leur place sur la scène internationale, ou asseoir leur domination régionale (Corée). D'autres en revanche, le manifeste par un souci de sécurité (Inde, Pakistan).
Les enjeux qui se pose à nous aujourd'hui sont multiples. En effet, l'incapacité des puissances occidentales à surmonter la crise économique, de résoudre la guerre en Afghanistan, les crises nucléaires iranienne et nord-coréenne pose de sérieux problèmes dans la définition d'une stratégie claire et globale dans le cadre de la lutte contre la prolifération.
Ajoutons également un affaiblissement de l'administration Obama depuis quelques mois et la division européenne traduisant par une incapacité de mise en place de politique commune, flagrant lors de la crise économique. La dissuasion nucléaire a été efficace durant 65 ans pour préserver la paix entre les grandes puissances mondiales. Néanmoins, les chances de résoudre la crise nucléaire iranienne par la négociation sont très faibles, pour y arriver les iraniens devront pour cela entrer dans une logique de compromis et de renoncer à leurs ambitions nucléaires militaires.
Si aucune stratégie n'est définie rapidement afin de répondre adéquatement à cette crise nous risquons fortement d'assister à une augmentation du nombre de puissances nucléaires, ce qui représenterait en effet un danger considérable pour la stabilité mondiale. Aussi, parallèlement nous devons faire face aux pays candidats à la prolifération comme la Syrie, l'Egypte, ou encore la Corée du Sud.
Il est donc urgent de favoriser au plus vite la mise en oeuvre d'outils techniques qui nous permettrons d'assurer une vérification réelle du désarmement, mais aussi de résoudre définitivement les grandes questions géopolitiques (crise israëlo-arabe), sans quoi la lutte nécessaire en faveur du désarmement nucléaire s’avérera complétement inefficace.
D'autres obstacles doivent être également pris en considération. Attardons nous sur le fameux Traité de non-prolifération (TNP), signé le 1er juillet 1968et entré en vigueur le 5 mars 1970, ayant pour objectif d'assurer la sécurité collective mondiale. Ce traité intervient après la signature du traité d'interdiction partielle des essaies nucléaires, signé en 1963, à Moscou par les Etats-Unis, l'URSS et la Grande Bretagne.
Notons que le TNP fut signé par la quasi-totalité des Etats du monde sauf l'Inde, le Pakistan et Israël. Les négociations sur la limitation des armements stratégiques (contrôle des armements) entre les Etats-Unis et la Russie aboutissent à la conclusion des traités SALT Iet SATL II respectivement signée en 1972et 1979. Ils seront prolongés par le traité de réduction des armes stratégiques, START Iet START II(1991et 1993).
Malgré ces engagements, la prolifération se poursuit et plusieurs pays ont des programmes nucléaires militaires. Les puissances nucléaires poursuivent leurs programmes de développement et de modernisation des arsenaux (en France par exemple le développement du missile M51 se poursuit afin de succéder au missile M45). La Corée du Nord disposerait selon les renseignements américains de dix têtes nucléaires et multiplie les test, l'Iran approfondi son programme militaire de recherche nucléaire.
Le TNP est considérablement affaibli par les crises ce qui génère une instabilité stratégique inquiétante (risque de détournement de technologie ou d'équipements nucléaires par des groupes terroristes). Si le nombre d'Etats dotés d'armes nucléaires s'accroît, la paix internationale sera dès lors compromise, et pourtant les outils de contrôle sont quasi-inexistants et pour la plus part inefficaces.
Il est notamment difficile pour l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) en effet de contrôler les activités dont elle n'a pas connaissance ( l'Iran a tenu en 2002 un site secret d'enrichissement à Natanz, un deuxième site proche de Qom a été annoncé par le gouvernement iranien à l'AIEA).
Dans ce sens, la lutte contre la prolifération s'annonce délicate, car même sil'AIEA qui s'engage en faveur de l'usage pacifique du nucléaire, elle a du mal à renforcer ses inspections, et son système actuel de vérification est défaillant.
En somme, il est donc urgent de concevoir autrement la lutte contre la prolifération et l'avenir de la dissuasion nucléaire (développement de nouveaux systèmes d'armements et d'antimissiles (bouclier antimissile) par exemple). Le monde aura incontestablement besoin d'une nouvelle politique, d'une réelle stratégie globale de non-prolifération active.
La mise en place de moyens de contrôle internationale sur les matières fissiles militaires est ainsi primordiale et doit s'inscrire parmi les priorités des puissances occidentales afin d'éviter les tricheries à l'intérieur des traités et la doptation clandestine d'armes de destruction massives.
L'année 2010 sera donc décisive, et la conférence d'examen du TNP à New-York qui aura lieu du 3 au 28 mai prochain devra prendre en compte tous ces enjeux auxquels nous serons confrontés demain. Aucun élément ne devra être négliger afin de lutter efficacement contre les tentatives de prolifération, de renforcer la transparence des arsenaux et la protection contre le terrorisme nucléaire.
A lire:
- Le Monde (hors série 2010), Bilan stratégie.